Analyse de la situation des Droits de l’Homme au Mali
Le président de la Commission Nationale des Droits de l’Homme, Aguibou Bouaré, a récemment accordé une interview au journal « L’Alerte » dans laquelle il a analysé la situation des Droits de l’Homme au Mali. Il a souligné que la Justice ne devrait en aucun cas être utilisée comme un outil de répression ou de restriction de l’espace civique et politique, aux mains de l’Exécutif.
La Cndh est l’institution nationale des droits humains du Mali, chargée de protéger et de promouvoir les droits de l’Homme dans le pays. Elle a été créée en 2016 et sa mandature a commencé en 2017. Aguibou Bouaré a affirmé que la Cndh exerce son mandat avec indépendance, objectivité et impartialité, conformément à la loi et au serment prêté devant la Cour suprême.
Cependant, la situation des droits humains au Mali est de plus en plus préoccupante en raison de la crise multidimensionnelle que le pays traverse depuis une dizaine d’années. Les violations et les abus sont principalement liés au terrorisme et aux conséquences de la lutte contre ce fléau. Les droits à la vie, à l’intégrité physique, à la sécurité, à l’éducation et à la santé sont particulièrement touchés. Le nombre de déplacés internes et de réfugiés ne cesse d’augmenter, et l’esclavage par ascendance persiste dans la région de Kayes.
Depuis 2020, de nombreuses plaintes ont été enregistrées concernant des enlèvements, des disparitions forcées et des restrictions de l’espace civique et politique. Des menaces sérieuses sur les libertés d’opinion, d’expression, de presse et d’association ont également été recensées. Malgré ces défis, des efforts ont été déployés par les autorités pour lutter contre l’esclavage par ascendance et renforcer les capacités des forces de défense et de sécurité en matière de droits humains.
Afin de lutter contre ces violations, la Cndh a proposé la relecture des codes pénal, de procédure pénale et de la justice militaire pour incriminer certaines pratiques qui ne sont pas encore sanctionnées par la loi. Aguibou Bouaré a souligné que l’indépendance de la Cndh a été respectée jusqu’à présent, et qu’elle n’a reçu aucune instruction ou menace formelle dans l’exercice de son mandat.
La situation des droits de l’Homme au Mali reste préoccupante, avec des restrictions croissantes de l’espace civique et politique. Cela entraîne souvent de la censure, de l’autocensure et une léthargie des organisations de la société civile et des défenseurs des droits humains. Certaines procédures judiciaires, telles que l’interpellation et la dissolution de personnes morales, suscitent des interrogations et contribuent à intimider les citoyens et les organisations qui souhaitent s’exprimer sur des questions d’intérêt national.
La surpopulation carcérale est également un problème majeur, avec des mandats de dépôt délivrés de manière quasi-systématique. Par exemple, la Maison centrale d’arrêt de Bamako, conçue pour accueillir 400 détenus, compte actuellement jusqu’à 4000 prisonniers. Le droit à un procès équitable et la présomption d’innocence sont souvent bafoués en raison de la détention provisoire prolongée au-delà des limites légales.
Malgré ces défis, la Cndh a réalisé de nombreux progrès depuis le début de sa mandature. Elle a obtenu le statut « A », le niveau de classement le plus élevé des institutions nationales des droits humains dans le monde. Elle a également contribué à former les forces de défense et de sécurité, ainsi que les organisations de la société civile, sur les droits humains. De plus, elle a visité tous les lieux de privation de liberté du Mali, à l’exception de Kidal.
En 2024, la Cndh se concentrera sur la sensibilisation et la formation des autorités et de la population afin d’instaurer une culture des droits humains au Mali. Elle sera également vigilante quant au respect des droits humains pendant cette période de crise, où ils sont particulièrement menacés. Aguibou Bouaré a souligné que les droits de l’Homme ne doivent jamais être mis de côté, même en période de crise ou de guerre. Ils doivent être compris comme des obligations résultant de la Constitution et des lois du pays, en plus des engagements internationaux pris par le Mali.
En conclusion, la situation des droits de l’Homme au Mali reste préoccupante, avec des violations et des abus liés à la crise multidimensionnelle que le pays traverse. La Cndh continue de remplir son mandat avec indépendance et objectivité, malgré les défis auxquels elle est confrontée. Des efforts sont nécessaires pour sensibiliser la population et les autorités aux droits humains, afin de promouvoir une culture respectueuse de ces droits dans le pays.