La tension diplomatique entre le Mali et l’Algérie, deux pays voisins liés par la géographie, l’histoire et la culture, n’est pas encore complètement résolue malgré le retour des ambassadeurs des deux pays à leur point de départ. Les autorités de transition au Mali, en conflit avec l’Algérie, ont cherché à se tourner vers le Maroc, l’ennemi juré de l’Algérie. Cette dispute diplomatique aurait pu se transformer en rupture totale avec le voisin, car la tension était palpable et le désir de diversifier les partenaires était visible du côté du Mali.
Après le sommet des quatre États du Sahel organisé par le Maroc, avec pour objectif l’ouverture vers l’océan Atlantique, l’Algérie a intensifié la situation en cessant son aide au Mali, au Burkina Faso et au Niger, montrant ainsi que la désescalade n’était pas pour demain. Officiellement, ce sommet visait à faciliter le désenclavement des pays sahéliens en leur donnant accès à la mer grâce aux infrastructures marocaines. Mais en réalité, il s’agissait d’un rapprochement stratégique du Maroc avec les États du Sahel, dans le contexte de la rivalité géopolitique entre le Maroc et l’Algérie.
Les autorités maliennes ont-elles pris en compte tous les risques d’une rupture diplomatique avec l’Algérie ? Le Maroc, partenaire économique traditionnel depuis l’indépendance du Mali, peut-il combler le vide politique et sécuritaire laissé par l’Algérie ? Et si la meilleure option était une gestion intelligente, en restant neutre dans le combat géopolitique qui oppose les deux pays ?
Il est tout à fait normal pour un État souverain de diversifier ses partenaires et de renforcer les relations existantes. Cependant, il est également important de faire preuve de prudence lorsqu’il s’agit d’aborder ces questions avec deux pays qui entretiennent des relations tendues, comme l’Algérie et le Maroc. Les relations entre ces deux pays maghrébins, arabes, berbères et musulmans ont été marquées par plusieurs crises depuis leur indépendance, notamment la guerre des sables en 1963, la guerre du Sahara occidental de 1975 à 1991, la fermeture de la frontière en 1994, le désaccord persistant concernant le statut du Sahara occidental et la récente normalisation des relations avec Israël dans le cadre des accords d’Abraham en 2020.
Les autorités de transition maliennes connaissent bien ces relations tumultueuses entre le Maroc et l’Algérie, mais malgré cela, elles ont profité de la brouille diplomatique avec l’Algérie pour renforcer leurs liens avec le Maroc et d’autres pays du Sahel. Bien que le sommet sur l’ouverture vers l’Atlantique était déjà prévu, il est indéniable que la dispute diplomatique entre le Mali et l’Algérie a joué un rôle dans sa réalisation rapide.
La question de savoir si le Maroc, en tant que partenaire économique traditionnel, peut combler le vide politique et sécuritaire laissé par l’Algérie ne peut être affirmativement répondue. Si les observateurs politiques maliens reconnaissent que le Maroc est un partenaire économique et financier fiable pour le Mali, il est indéniable que l’Algérie est un voisin indispensable et incontournable, tant sur le plan économique que socio-sécuritaire. En effet, l’Algérie partage plus de 1400 km de frontière avec le Mali et est le principal fournisseur des régions du nord du pays en denrées alimentaires et produits divers. Chaque pays a donc sa place et aucun ne peut remplacer l’autre. Le Maroc est présent dans divers secteurs tels que les télécommunications, les banques, les assurances et l’agro-industrie. Quant à l’Algérie, elle est le principal fournisseur des régions nord du Mali en produits de consommation courante. De plus, l’Algérie partage une longue frontière avec le Mali et est au cœur de la crise sécuritaire et des rébellions séparatistes qui secouent le pays depuis son indépendance. Malgré les critiques qui peuvent être faites à l’égard de l’Algérie, le pays reste indispensable pour résoudre la crise sécuritaire dans le nord du Mali.
La meilleure option pour un État en crise profonde comme le Mali est de collaborer avec les deux pays en rupture diplomatique, à savoir le Maroc et l’Algérie, comme l’a fait le président Modibo Keita. Ce dernier a non seulement soutenu l’Algérie dans sa lutte pour la libération du colonialisme en offrant sa ville de Gao comme quartier général opérationnel des combattants du FLN, mais il a également parrainé la signature de l’accord entre Ben Bella et le roi Hassan II à Bamako, mettant fin au conflit entre l’Algérie et le Maroc. Comment un pays qui a joué un rôle aussi important dans le conflit entre l’Algérie et le Maroc pourrait-il choisir l’un au détriment de l’autre ? Cela serait diplomatiquement incorrect, géostratégiquement aberrant, sécuritairement absurde et économiquement inopportun.
En résumé, la brouille diplomatique entre le Mali et l’Algérie, bien qu’adoucie par le retour des ambassadeurs, n’est pas entièrement terminée. Les autorités maliennes ont cherché à se tourner vers le Maroc, mais il est important de prendre en compte les risques d’une rupture diplomatique avec l’Algérie. Le Maroc, en tant que partenaire économique traditionnel, ne peut pas combler le vide politique et sécuritaire laissé par l’Algérie. La meilleure option pour le Mali est de collaborer avec les deux pays en restant neutre dans le combat géopolitique qui les oppose. La gestion intelligente de cette situation est cruciale pour le chemin à suivre.