Le président Macky Sall plonge le Sénégal dans une crise institutionnelle
Le 3 février 2024, le président Macky Sall a interrompu de manière illégale le processus électoral en cours, plongeant ainsi le pays dans une crise institutionnelle sans précédent. Cette décision marque le point culminant du plan de liquidation de la démocratie sénégalaise que le régime en place a mis en œuvre au cours des douze dernières années.
Le président Sall a justifié cette décision en invoquant des accusations de corruption non prouvées à ce jour à l’encontre des membres du Conseil constitutionnel. Avec la complicité d’une majorité à l’Assemblée nationale, il a corrompu durablement notre tradition démocratique en interrompant brutalement le processus électoral. Pourtant, rien dans la Constitution ne lui donne le pouvoir de prendre une telle décision. Le président Sall a ainsi porté un coup terrible au calendrier républicain qui faisait la singularité et la fierté du Sénégal.
La décision d’annuler le processus électoral en cours viole plusieurs dispositions constitutionnelles et est aux antipodes des principes élémentaires du droit et de la démocratie. Le président Sall a utilisé comme prétexte une prétendue crise institutionnelle résultant d’un conflit entre le Conseil constitutionnel et l’Assemblée nationale. Cependant, cette justification est fallacieuse et ne résiste à aucune analyse sérieuse.
D’une part, le président Sall a agi dans la précipitation en se basant sur de simples accusations non prouvées pour invoquer une crise institutionnelle. Il aurait été plus raisonnable d’attendre le rapport de la commission d’enquête parlementaire pour étayer ses accusations. D’autre part, même s’il y avait une véritable crise institutionnelle, la Constitution prévoit des mécanismes de résolution qui ne peuvent pas être contournés par l’attitude despotique du président Sall.
Le président Sall a également tenté de justifier sa décision en invoquant le fait qu’il y avait une candidate à l’élection présidentielle qui ne serait pas exclusivement de nationalité sénégalaise, ce qui contreviendrait à la Constitution. Cependant, il existe une solution prévue par la Constitution dans ce cas de figure. La candidate aurait pu être invitée à se retirer de la course ou être déclarée définitivement empêchée si des poursuites judiciaires étaient engagées contre elle. Dans les deux hypothèses, la liste des candidats aurait pu être modifiée et la date du scrutin maintenue.
En prenant sa décision, le président Sall s’est attribué des prérogatives qu’il ne tient ni de la Constitution, ni d’aucune loi de la République. L’abrogation du décret portant convocation du corps électoral a des conséquences juridiques graves. De plus, cette décision remet en cause les articles de la Constitution qui interdisent au président de la République de faire plus de deux mandats et de modifier la durée du mandat du chef de l’État.
La décision du président Sall constitue également une défiance envers le Conseil constitutionnel, dont les décisions s’imposent à toutes les autorités administratives et juridictionnelles selon l’article 92 de la Constitution. Les pouvoirs politiques, dont le président de la République et l’Assemblée nationale, remettent en cause l’autorité de cette juridiction constitutionnelle, ce qui est la véritable source de la crise institutionnelle.
Ce régime a maintenu le Sénégal dans une crise quasi-permanente ces dernières années, marquée par des disparitions suspectes de soldats, des décès de manifestants, des intimidations, des arrestations, des malversations, de la corruption et de l’impunité. Aujourd’hui, pour les intérêts d’un homme et d’un clan, le Sénégal régresse gravement sur le plan démocratique.
Ce qui est en jeu dans les heures et les jours à venir, c’est la survie de l’idée de République et notre volonté de vivre ensemble en tant que société sénégalaise. Il est inadmissible de sacrifier ces principes pour les intérêts personnels d’un homme ou d’un parti politique. Le Sénégal mérite mieux que cela.